Alain Monnier

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VIENT DE PARAÎTRE :

A votre santé, monsieur Parpot !
Roman Flammarion Mai 2015

Comment Barthélémy Parpot, cet éternel rêveur, va-t-il vivre son séjour à l’hôpital ? A sa façon, avec curiosité et tendresse, en écrivant des lettres à tout va, aux médecins, aux chercheurs, aux aides sociales… jusqu’à mettre des visages sur le mystérieux corps médical. Et peut-être tomber amoureux.
Alain Monnier convoque une nouvelle fois son alter ego pour poser son regard sur les travers et les mensonges de notre société. Ce faisant, il parle de nous, de ce qui nous fait peur, de ce qui nous unit viscéralement aux autres.

 ... www.parpot.fr

« A votre santé Monsieur Parpot » le livre incontournable pour ce début d’année.

Du temps où Michel Terral et Elisabeth Roumat animaient la vie culturelle de la cité, les amateurs de lecture ont eu le privilège de passer de belles soirées avec des auteurs toulousains comme Marie Didier (éditée chez Gallimard) ou Alain Monnier (chez Flammarion). Des écrivains qui sont devenus des amis pour les lombéziens. C’est avec la perspective de se régaler qu’a été accueilli le dernier roman d’Alain Monnier : « A votre santé Monsieur Parpot ». On se souvient de la trilogie qui a obtenu un tel succès que bientôt les livres étaient devenus introuvables. Flammarion a eu la riche idée de la publier en un seul volume : « Le petit monde de Barthélémy Parpot » s’enrichit donc d’un 4e opus. Un livre qui se lit avec gourmandise, fait sourire et pose de la buée sur nos yeux. Une tendresse si douce qu’elle inscrit en nous une petite musique qui nous accompagne longtemps après avoir fermé le livre. Quel délice ce style qui sait se faire naïf pour dire la vie et nous toucher au fond du cœur. Trois mots : juste, vrai, touchant. Le sujet : Rêveur et décalé, Barthélémy Parpot a le cancer. Il va l’affronter à sa façon, avec curiosité, tendresse et drôlerie. Aux médecins, infirmières, psychologues, aides sociales, il écrit des lettres savoureuses, posant des questions qui dérangent ou étonnent. Ce faux-vrai naïf tient des propos plein de bon sens, montrant les travers de nos contemporains ainsi qu’un autre visage de la maladie et de la fin de vie. Eternel amoureux de la vie, Barthélémy Parpot nous fait voir le beau côté des choses. Il nous fait rire avec ce qui pourrait nous faire pleurer.

Maïa Alonso (pour La Dépêche du Midi - Gers)

4 janvier 2016

 

Voir également critique sur Babélio...

 

Citations :

Seul on est comme un poisson rouge dans un bocal, on tourne en rond et on voit le monde autour déformé et effrayant à cause du bocal. (P38)

(au sujet du cancérologue) : Des fois je me demande s'il me voit ou s'il n'aperçoit qu'un tas de cellules qui se trémoussent sur la chaise en face de lui. (P.46)

(et encore) Ils savent juste mieux faire semblant (de savoir) et surtout ils préfèrent passer pour des hommes importants plutôt que pour des imbéciles. (P.91)

(la mort) C'est dur de se quitter. On a beau s'y préparer, ne pas être fier de soi, ne pas s'aimer beaucoup, il n'empêche que les séparations font oublier tout ce qui n'était pas bien avant. Et puis il y a aussi ceux qui ont des remords et qui sont bien embêtés de partir avant d'avoir réparé, mais les plus nombreux sont ceux qui ont juste le regret de n'avoir pas profité davantage et repris de tout, en général ceux-là trouvent que ce n'est pas juste de mourir alors que souvent c'est leur vie qui n'était pas juste. (P115)

En fait j'ai compris que dans la vie il vient toujours un jour où l'on est obligé de se dire qu'il est trop tard, qu'on ne peut plus rien changer, qu'il reste peut-être vingt ou trente années à vivre mais qu'elles serviront à rien, parce qu'on pourra juste faire pareil qu'avant. (P 123)

Ma vie c'est ça... comme la fontaine de Trévi à Rome mais sans les projecteurs et sans Anita Ekberg, juste l'obscurité et les pantalons mouillés et l'eau froide qui glace jusqu'à l'os quand on sort. (P126)

Moi ça me semble incroyable car pour être amoureux d'une femme il faut beaucoup de temps et des paroles douces. Ça peut pas se faire à la va-vite. (P 161)

Le bonheur est innocent et imprévoyant. (P 162)

(Sagesse !) Dans la vie on croise des personnes qui nous aident et à qui on ne rend rien parce que ce n'est pas le moment, parce qu'elles repartent trop vite, mais on rendra à une autre qui se présentera et qui ne nous rendra rien parce qu'elle même... Je crois à cette chaine mystérieuse qui, par delà les petits services entre amis, fonctionne avec le hasard dès lors qu'un fond de bonté nous anime... (P182)

(...) Il faut faire le deuil de soi-même avant de partir quand nos amis feront le leur après notre départ. (P182)

Il n'y a ni grandeur ni petitesse dans la vie; elle passe comme un songe qui laisse un vague goût dans la bouche. Comme une caresse minuscule qui vous effleure le bras" (P188)

 

et puis aussi :

"De toute façon il y a beaucoup de gens qui sont jamais contents de rien alors qu'ils ont tout. Ils disent qu'ils sont moroses à cause de la crise et de la dette mais ils ont tous des téléphones portables pleins les mains, des écrans plats géants plein les murs et des amis plein Facebook, alors moi je dis que la crise et la dette c'est juste un prétexte pour râler parce que ce qu'ils aiment vraiment, c'est râler et se plaindre tout le temps. Seulement à force d'être jamais contents, on a l'impression que tout le monde est gris et que le malheur s'étale partout.
Autrefois ce n'était pas plus facile, il n'y avait pas les iPhones et les iPods, mais sur les chantiers, les maçons chantaient en travaillant, ils grillaient des gauloises sans filtre, ils sifflaient les filles et rigolaient bien. Aujourd'hui tout ça est interdit parce que fumer donne le cancer du poumon, siffler les filles est dégradant pour les filles, chanter en travaillant est dégradant pour le travail et rigoler pourrait donner le cancer du larynx."

Commentaire de Martine, lectrice de Samatan (32)  Je Suis Martine J'aime bien l'expression faux-vrai naïf qui lui va comme un gant. J'ai dévoré ce 4ème tome comme les 3 premiers. Il est toujours aussi drôle et attachant notre Barthélemy, et c'est toujours avec regret qu'on tourne la dernière page. Merci Monsieur Monnier.


Le petit monde de Barthélémy Parpot
Reprise dans un seul volume dans la collection "J'ai lu" de Signé Parpot, Un amour de Parpot et de
Parpot le bienheureux.
(Nouvelle version de Parpot le bienheureux )

 

Je vous prie de bien vouloir agréer l'expression de mon humilité la plus distinguée

 

Signé : PARPOT

J’ai rencontré Alain Monnier, un auteur « caméléon »

 Maia Alonso, 12 mars 2008

Certains rencontrent la poésie, ou encore, Dieu, voire eux-mêmes au détour d'un livre. Moi, j'ai rencontré l'intelligence et pas n'importe laquelle, la fleur de l'intelligence. Toute en finesse, en délicatesse, en clin d'--il et en sourire aussi, une pure orfèvrerie. Elle m'a été présentée par quelques personnages de papier très particuliers : Marie, Hannah, sans oublier bien sûr le très estimable Parpot (Paix et bénédiction sur lui par trois fois), qu'ils arrivent de « Côté jardin » ou de « Survivance » ou qu'ils abordent « L'insoluble problème de la présence sur terre »… Quelques uns d'entre vous chers amis lecteurs de La Voix du Gers avez compris que je parle d'Alain Monnier, cet écrivain toulousain inclassable tant est vif son esprit, et « caméléon », son style. Par caméléon, je veux dire qu'il s'efface modestement derrière chacun de ses personnages, leur laissant carte blanche pour dérouler leur histoire à leur manière, avec leur propre façon de s'exprimer, jouant même avec la typographie des caractères comme celle du curé de Saint-Sernin qui écrit à Parpot et qu'on entendrait presque parler avec – pardonnez-moi -,  la bouche en « cul de poule ». L'art de ne pas y toucher, comme s'il n'y était pour rien. C'est là un talent rare sinon unique.

Les mains vides.

J'ai eu beaucoup de chance quand j'ai rencontré Alain Monnier. Cela s'est passé récemment à Lombez au cours d'une de ces soirées littéraires d'Acacia qui vous développent mine de rien les papilles de l'esprit. J'ai eu de la chance parce que je suis venue les mains vides : je n'avais rien lu de lui. Ce qui fait que je n'ai pas été paralysée par l'envergure du bonhomme. Nous avons bavardé très simplement et il m'a dit tout le bonheur qu'il prenait dans la rencontre avec ses lecteurs : « On me demande surtout des nouvelles de Parpot, comme si c'était un ami commun. » Il a alors un de ces sourires de petit renard, rusé et tendre à la fois. Il confie : « C'est une envie de dire, au départ qui me pousse à entreprendre un roman et puis le chemin se fait en écrivant. » Il m'a parlé de ses journées partagées entre deux mondes, diurne et nocturne. Après des études scientifiques et des années de recherche dans l'énergie solaire, il s'est occupé de la promotion de la recherche publique. Et depuis  plusieurs années, il partage son temps entre l'écriture et ses actions en faveur des nouvelles technologies, entre Toulouse et les Corbières. Le jour, sa profession de scientifique, la nuit ou dès l'aube, celle d'écrivain.

 Ce qui l'horripile et qui nourrit quelques unes de ses multiples motivations, ce sont : « Les discours mensongers (qui) bâtissent un monde plus virtuel que ne le fait l'informatique ! » Alors Monnier sait nous venger d'une rasade de vitriol désinvolte, élégante et cynique, avec des mots qui disent la chose telle qu'elle est (allez donc voir dans le tiroir des petites culottes de Claudine !), de l'absurdité des situations qu'on a tous vécus un jour ou l'autre. Il faut aller se promener sur son site (www.Alain-monnier.com) et parcourir son livre d'or ou jeter un --il sur les critiques  d'éminentes plumes journalistiques et à coup sûr vous allez courir à la librairie commander ses livres. A Sarrant, il y est comme chez lui. Peut-être l'occasion d'aller y faire un tour et de saluer les sympathiques libraires de la Tartinerie ?

En tous cas depuis cette soirée lombézienne, j'ai fait la connaissance de Barthélémy Parpot  et qu'est-ce que j'ai pu éclater de rire ! J'ai sauté directement au  troisième volet, « Le bienheureux » (après « Signé Parpot » et « Un amour de Parpot »), là, au ciel de Parpot, pour aller plus vite à sa rencontre. Je sortais tout juste des «Ombres d'Hannah », où je m'étais coltinée une histoire d'amour aussi noire que du charbon mais sans la foi… où chacun peut lire avec une sorte de vertige et de rage son propre chagrin (qui n'en a pas eu ?). 

Faut dire encore qu'Alain Monnier, ou en tous cas, ses représentants sur papier, se posent souvent la question : « Qu'est-ce qu'on fout ici ? » Surtout que le bonheur n'est jamais au coin de leur rue. Mais l'est-il au coin de la nôtre ? Alain Monnier ne fait que transcrire (avec un talent qui me laisse pantoise) les vicissitudes de nos vies au quotidien, que ce soit avec l'administration, la religion, le besoin d'un amour pour la vie… Il a cet art effarant de s'introduire  dans l'univers de son lecteur qui, parvenu à la dernière page, le livre refermé,  ne se dégage pas pour autant du climat que l'auteur a semé en lui. Au point qu'impatient du « prochain Monnier », il rêve de devenir son ami. Rien que ça !

J'avais à cœur de vous parler d'Alain Monnier mais je n'ai parlé que de ses créatures… Parpot, lui-même,  lui a posé une question  (parce que M. Monnier se permet même de dialoguer avec ses personnages !), une question essentielle que pourrait se poser tout écrivain… : « Écrire, c'est comme la religion, c'est une consolation ? » Alain Monnier ne lui a pas répondu.

   

"Tout va pour le mieux"

Nouvelle collection "Etonnantissime" , Flammarion
Article paru dans ELLE : "Avec Etonnantissime, vos ados vont faire connaissance avec la modernité d'Homère et de Zola. Iconoclaste et maligne, cette collection propose des transpositions contemporaines de classiques. C'est Candide de Voltaire ressuscité par Alain Monnier sous les traits d'un jeune coq contraint de se frotter à l'impitoyable monde du travail. Plus que parfait !".

Rencontre avec Alain Monnier autour de ses livres

Jeudi 14 décembre à 20 h 30, à la bibliothèque, Acacia propose une soirée littéraire consacrée aux ouvrages de l’auteur  Arto Paasilinna. Soirée sans auteur, juste entre lecteurs. Il faut dire que le carnet d’adresses de Michel Terral est précieux pour Acacia. Y figurent les auteurs Marie Didier ou Nicole Zimmerman qui seront les prochaines invitées des jeudis littéraires de l’Acacia.  Alain Monnier vient de les y précéder. Un homme simple, ouvert, sensible qui se prête facilement au jeu de la rencontre pour discuter de ses personnages. Bien sûr, on a beaucoup parlé du fameux « Parpot » (Climats) qui a fait sa notoriété et que ses lecteurs assidus fréquentent comme un ami. Echanges passionnés aussi autour de son dernier né « Givrée » (Flammarion). Mais à chaque lecteur son coup de cœur. Les livres de Monnier sont variés, plutôt « décalés » et émouvants. L’auteur joue avec humour « au bon Dieu ». Sa plume semble courir facilement, empoigne les idées, les images, les personnages par le creux des reins, là où se tapit la ou les vérités, au bon vouloir de l’écrivain, seul maître à bord de son navire écriture et qui se permet donc toutes les libertés, tous les décrochages : « C’est une envie de dire, au départ qui me pousse et puis le chemin se fait en écrivant. » Alain Monnier a confié ainsi  au hasard de la soirée sa façon d’écrire, entre 5 et 7 heures du matin avant d’aller travailler comme tout le monde dans une entreprise ; ou  tard le soir : « Quand je sens que je suis installé dans le livre, alors écrire c’est  le  plaisir de suivre la scène.» Il  avoue son agacement face au fossé énorme entre le réel et le discours : « Les discours mensongers bâtissent un monde plus virtuel que ne le fait l’informatique ! » Il s’amuse à  dénoncer toutes les absurdités qui le dérangent. Il le fait avec un talent qui procure bien des jubilations chez ses lecteurs qui attendent toujours avec impatience la sortie du « prochain »…

28.11.2006

Parpot le bienheureux

Sans être oulipien, Alain Monnier (qui se méfie des dogmes et des écoles) adore les contraintes. Le roman épistolaire est son écrit de prédilection ; élaborer une histoire d'amour uniquement avec des imprimés de sécurité sociale et des feuilles d'imposition, son voeu le plus cher. Ainsi, après avoir publié depuis 1994 six ouvrages, il réactive son héros originel, Barthélémy Parpot, Rmiste en quête d'amour et aujourd'hui de divin, un être extraordinairement simple qui a le don de mettre toujours le doigt là où ça gratouille (absence de sens, contradictions, langue de bois...) Parpot le Bienheureux souhaite découvrir Dieu et écrit donc à ses divers représentants, " à Monsieur mon cher pape ", en premier lieu.
Mélangeant oecuméniquement et sans s'en rendre compte les préceptes des diverses religions, consommateur averti, il en dresse une étude comparative singulière. Mais, à défaut de divinité, Parpot finit par rencontrer son créateur, c'est-à-dire son auteur, qui le prend en pitié et lui offre non pas la vie éternelle, mais des conditions matérielles et amoureuses acceptables et somme toute banales. " Mais s'il faut faire quelque chose de particulier pour avoir la Foi à durée indéterminée, je vous supplie vous et votre miséricorde, de bien vouloir m'écrire en m'expliquant comment il faut faire. " Un livre désopilant, spirituel, hygiénique par les temps qui courent. " Écrire, c'est comme la religion, c'est une consolation ? "

Parpot le Bienheureux de Alain Monnier
Éditions Climats, 188 pages, 16 e

Rivesaltes, un camp en France, «antichambre d'Auschwitz », en 1941-1942

Rivesaltes, un camp en France, «antichambre d'Auschwitz », en 1941-1942 : « L’humanité est toujours entre deux hommes. Il ne s’agit pas d’être des saints ». Récit d’Alain Monnier aux Editions de La Louve (mars 2008).

Le camp de Rivesaltes a été construit en 1938. Il a hébergé tour à tour des républicains Espagnols, des Tziganes, des Juifs, des prisonniers allemands et plus tard, des Harkis. L’écrivain Alain Monnier, né après la guerre à quelques kilomètres de là, a grandi près de ce camp sans jamais avoir entendu parler des Juifs partis de Rivesaltes vers Drancy, puis Auschwitz. Il découvrira ce camp tout à fait fortuitement. Répondant à un appel impérieux, il s’y rend. Sans vouloir moins considérer les souffrances des populations qui ont été ici concentrées, il choisit d'évoquer les Juifs en transit, en 1941-42 : « Ce n’est plus de politique, d’idéologie, de mode de vie dont il s’agit, mais de leur présence sur terre tout simplement…. Pas d’autres raisons que celle, imparable et tragique, tel un absurde non-sens, d’être ce que l’on est. (…) Des épaves ballottées au gré de la folie des hommes ». L’auteur suit des fantômes, erre d’un bâtiment à l’autre, « avec un sentiment de honte et de peine ». Un court récit (93 pages) mais intense, qui rudoie le lecteur, comme l’auteur l’a probablement été lui-même à cette terrible évocation, toute en fine dentelle faite de ces fils de fer barbelés qui s’entremêlent aux préjugés et à la haine dans le cerveau de bien des hommes… Le récit est documenté, bâti comme un roman mais ce qu’il narre n’est hélas pas né de l’imagination. Les faits sont là, transcrits par l’âme de celui qui sent à travers le temps, la souffrance amassée ici dans tellement d’indifférence. Qui colle au lieu aussi sûrement qu’une empreinte dans la cire. Ici le temps n’efface pas les pas sur le sable. Ils y sont restés incrustés. Pour que la mémoire ne se voile pas la face : « Pourquoi focaliser la haine sur les exclus et point sur ceux qui les excluent ? »
Il dit l’action aveugle de l’Administration : « On envoie des centaines de gens à la mort avec une application administrative effarante…. Il faut dissimuler sous une rigueur de métronome les bassesses de ce monde…. On applique consciencieusement les consignes. Elles sont nombreuses et compliquées, comme seule l’Administration sait les inventer par strates successives… pour voiler les énormités qu’elle profère et ne supporte pas de les regarder en face ». »

En rupture avec ses autres romans, Alain Monnier s’implique à la première personne dans cette quête d’une mémoire douloureuse : « C'est avec cette modeste position de passeur que je me risque à écrire ces pages ». Passeur de mots, oui, pour donner du sens aux images de la Shoah véhiculées par l’histoire, les témoignages, les documentaires : « … ce sont les commentaires qui seuls transmettent le passé. Sans les mots, les images n’ont pas de sens, et la narration se doit d’adapter sans cesse l’histoire transmise à la capacité d’entendement des nouvelles générations ». Le livre laisse résonner une drôle de petite musique, dénuée d’espoir, faite de murmures inachevés, de froissements de tissus usés : « (ces) personnes toutes bien réelles. Identifiables. Je ne les connais pas mais je les devine, je les vois, je sens leur manteau qui me frôle ». Les mots évoquent, sévères, un réel glacé. L’auteur est là, dans ce camp fantôme, antichambre d’Auschwitz : "C'est là que ça c'est passé. Le ciel avait le même bleu, les papillons de la garrigue voletaient de la même façon, les herbes ployaient sous le même vent, ils étaient là, perdus dans l’angoisse, à sentir une mort inconnue planer sur eux." Avec cette prise de conscience qui ne laisse place à aucune échappatoire : « Ici, ici seulement, dans ce lieu banal que rien ne prédestinait à cette tragédie, je me résous à admettre que le monde peut à tout moment basculer. Et qu’il basculera fatalement à nouveau. » Alain Monnier dit les responsabilités et se met lui-même en cause, avouant : « Je n’aurais jamais adhéré à l’idéologie de la haine, j’aurais aidé à la condition de ne pas mettre mon entourage en danger… Mais au-delà ?». Un livre riche de petites phrases nées d’une âme qui claque au vent du large, à la générosité, noble et droite. Pour qui « plus jamais ça » est une impasse car on ne peut que « s’exaspérer de ne jamais pouvoir baliser un avenir probable ». Le silence du ciel ne serait-il pas le grand coupable : « L’absence de châtiment et l’impossibilité de s’en remettre à dieu sont insupportables. » Même si « Les explications sont individuelles… la responsabilité est collective et écrasante. Quand à la culpabilité, elle « transpire sous notre front. Il ne s’agit pas de s’y complaire ou de s’émouvoir devant le spectacle de notre repentance, mais d’obliger le présent…. (pour) construire une réelle tolérance. » Alain Monnier se refuse à jouer l’accusateur d’une époque qu’il « peine tant à imaginer » tant elle est étrangère à ses frémissements intérieurs. S’il reste partagé entre indulgence et envie de condamner, c’est que son esprit intègre suggère chaque fois une parade à tout ce qui fige de façon manichéenne : « Il est facile d’être perspicace et intransigeant plus tard, mais sur l’heure ? »

Pour ma part, je n’assisterai plus jamais à une commémoration comme avant d’avoir lu cette phrase d’une fulgurante vérité à propager en tous lieux : « En ce sens, une commémoration est sans nul doute devenue, dans le monde d’aujourd’hui, un acte de rébellion. » Un récit superbement écrit, de cette écriture qui ressemble à son auteur, toute de douce humanité et d'intransigeance. A lire et à faire lire. Absolument.

« Survivance » d’Alain Monnier (Ed Climats aujourd’hui reprise par Flammarion ). J'avais ce livre sur mes étagères depuis pas mal de temps sans l'avoir encore lu. Je m'y suis plongée en quelques soirs tardifs... Captivée par ce quadruple récit. Ces strates... Fascinant. J'ai cette idée que dans la "vraie vie" ça se passe ainsi. Nous croyons vivre linéairement dans le temps mais qu'est-ce qui le prouve? Toutes les vies ne sont-elles pas contemporaines sans s'en douter? Imaginez que la goutte d'eau de l'océan pense faire l'océan à elle toute seule...
J'ai été "ravie" par l'ambiance de "Survivance". L’auteur me fait penser au Sphinx de Guizèh. Alain Monnier a ce reflet sur son visage... Je suis intriguée par ces tempêtes intergalactiques qui se bousculent derrière son front, et inventent des univers fabuleux, des personnages complexes, d'une présence forte. Un créateur pour de vrai...

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