Jean-Pierre Lledo, Un homme hors des sentiers battus

Jean-Pierre Lledo, cinéaste
Jean-Pierre Lledo, cinéaste

Jean-Pierre Lledo, né le 31 octobre 1947 à Tlemcen, est un cinéaste franco-algérien. Sa famille maternelle est originaire d’Algérie depuis 26 siècles. Son père était la  quatrième génération par son père d’origine espagnole.

Il a dû quitter l’Algérie en 1993, face aux menaces islamistes. Réalisateur de cinéma, ses derniers films sont tous consacrés à l’échec du rêve d’une Algérie indépendante et multiethnique. Son dernier film Algérie, histoires à ne pas dire a été interdit en Algérie en 2007, et le demeure.

Diplômé du VGIK - mise en scène fiction - en 1976.

(Institut du Cinéma, Moscou - Atelier de Mikhaïl Romm).

On peut consulter nombre de ses articles sur le Huffington Post http://www.huffingtonpost.fr/jean-pierre-lledo/

 

Ma rencontre avec le cinéaste

Jean-Pierre et moi, Nimes 2012, ph. Oz
Jean-Pierre et moi, Nimes 2012, ph. Oz

En février 2012, une de mes amies écrivaines m’invitait à  regarder le film documentaire de Jean-Pierre Lledo  Algérie, histoires à ne pas dire». Non seulement j’ai acheté le DVD mais également le livre, publié aux éditions Atlantis dirigées par Wolf Albes. Et je me suis immergée dans l’univers de Lledo.

Une découverte qui m’a littéralement enchantée.

Pourtant l’Algérie est pour moi un sujet très sensible mais je viens seulement de découvrir cette bien attachante personnalité qui, à mes yeux, symbolise ce rêve algérien que j’ai fait enfant et adolescente, rêve d’une Algérie fraternelle dans laquelle chacun avait sa place, et cela hors du giron de la Métropole, bien trop étrangère à nos soucis et notre quotidien.

A partir de cette découverte, je suis rentrée en contact avec le cinéaste, nous nous sommes rencontrés à Nîmes en juin 2012 et une franche amitié est née, qui perdure.

Jean-Pierre Lledo et Ziva Postec
Jean-Pierre Lledo et Ziva Postec

Un cinéaste qui s’attache à déboulonner les préjugés

Jean-Pierre Lledo vient de s’attaquer aux préjugés concernant les relations difficiles entre les Algériens et Israël, et de façon général la communauté juive, en réalisant un film au titre : Alger - Jérusalem: Un voyage dans le Tabou.  

Sujet qui heurte largement puisque soudain le milieu de la finance se fait frileux et que le cinéaste a toutes les peines du monde pour rassembler le budget qui lui est nécessaire.

Pour mener à bien sa tâche, il lance un appel aux dons.

Jean-Pierre Lledo, issue d’une famille juive, confie nouer lui-même un rapport compliqué et complexe avec ce pays. “Ayant moi-même occulté Israël durant près de 50 ans, je suis assez bien placé pour affirmer que nous assistons à une des plus vastes entreprises de judéophobie jamais conçue par l’humanité. Délégitimer un des plus anciens peuples du monde, tenter de le déposséder d’une histoire plusieurs fois millénaire et de son propre etat, voire de le déraciner à nouveau de sa terre, équivaut à une nouvelle shoah. Celle-là visait à détruire physiquement un peuple entier. Celle-ci à le détruire symboliquement, dans son âme”, considère-t-il. – lire la suite ici.

"Alger - Jérusalem: Un voyage dans le Tabou", documentaire de Jean-Pierre Lledo. Realisateur: Jean-Pierre lledo - Chef montage: Ziva Postek - Campagne: Samuel Benhayoun

Invité à l'Institut français de Tel Aviv

Rencontre le 3 décembre 2012 à l'Institut français de Tel Aviv avec Jean-Pierre Lledo à l'occasion de la sortie de son livre "Révolution démocratique dans le monde arabe --Ah ! si c'était vrai..."

http://www.amazon.fr/exec/obidos/ASIN...
Jean-Pierre Lledo, cinéaste et documentariste, a consacré une large part de son travail à l'Algérie.
En partenariat avec l'Association des Anciens Elèves des Grandes Ecoles (AAEGE)

© Institut français d'Israël 2012 - « Rencontre avec un auteur »

Proposé par Olivier Rubinstein et Roselyne Déry - Réalisation et montage: Denis Kassel

« Révolution démocratique dans le monde Arabe - Ah ! Si c’était vrai… »

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J'ai donc rencontré Jean-Pierre Lledo à Nimes, en juin 2012 à l'occasion de la parution de son livre : "Révolution démocratique dans le monde Arabe  - Ah ! Si c’était vrai…" chez Armand Colin. 

Un livre qui nous entraîne au  cœur de  l’actualité et questionne l’islamisme.

Pour l’auteur, les événements de Tunisie ou d’Egypte n’émanent pas d’une révolution démocratique. Il s’oppose ainsi, arguments et démonstration à l’appui,  à la candeur de certains démocrates arabes ou européens, pour qui  cette révolution démocratique aurait été  confisquée par la suite. 

Dans son livre, Lledo met en cause un quadruple axe : Islamistes- Armée - USA - Arabie Saoudite/ Djazeera, ainsi que d’une  concertation entre Américains et islamistes, et Américains et Armée.

Pour Jean-Pierre Lledo, dans les pays pré-démocratiques, où il n'y a pas de contre pouvoirs, la manipulation est la forme normale de l'exercice de la politique.

Le style de l’ouvrage, volontairement frontal, direct, écrit  « caméra au poing », évite judicieusement le ton doctoral,  car l’heure n’est plus aux simples constructions d’ordre intellectuel mais bien d’amener le sujet sur le terrain où se déroulent les enjeux les plus graves : l’hégémonie islamiste qui avance désormais quasiment à découvert  menace le monde.

Quant au ton, il adopte  souvent le mode dérisoire avec pour parti pris de s’exprimer du point de vue des « accusés », ce qui renforce l’écriture vivante, faisant de ce livre un  documentaire qui appelle notre participation. On n’est pas dans un amphi mais sur le terrain, là où se déroule la vraie vie. L’événement. Et les idées qui reviennent en leitmotiv comme un refrain, renforcent le « choc » d’une démonstration dont l’objectif est de réveiller nos consciences engoncées dans une vision totalement « angélique » quant à la portée de l’Islamisme et donc de l’application de la Charia dans nos vies.

Et s’il est vrai que le monde occidental est loin d’être exemplaire en matière de démocratie - ainsi la Russie et bien des républiques de l'ex-Union Soviétique sans oublier la Chine, ou Cuba et d’autres pays latinos, - l’actualité brûlante attire notre regard vers le monde arabe. Lledo s’applique à décortiquer la vision de l’Européen qui juge à l’aune de son propre fonctionnement, de ses valeurs qu’ils pensent universellement pratiquées, afin de secouer notre laxisme (travesti en « tolérance »).

Si ce livre était dans le fond  un « pamphlet véhément », alors il viserait à détruire et ce n’est pas dans l’intention de l’auteur ! S’il est plutôt combattif c’est justement parce qu’il y a urgence à comprendre ce qui nous guette ! Jean-Pierre Lledo veut faire entendre en profondeur comment fonctionnent le monde arabe et le monde  pré-démocratique qu’il connaît bien.

S’il est un  message à retenir de ce livre  Révolution démocratique dans le monde arabe – ah ! Si c’était vrai… , c’est celui-ci : pour qu’il y ait démocratie, il faut que les forces qui promeuvent cet idéal soient plus nombreuses que celles qui y sont contraires. Simple logique : il ne peut y avoir de forces démocratiques que s’il y a une pensée démocratique or, même dans les milieux intellectuels de gauche, on en est encore loin, hormis quelques exceptions, tel Boualem Sansal,  l’écrivain algérien qui a l’audace de dire la même chose dans ses romans.

 

Entretien avec Jean-Pierre Lledo

Jean-Pierre Lledo, M.A.
Jean-Pierre Lledo, M.A.

Maïa Alonso. Qu’est-ce qui a motivé l’écriture de ce livre ?

Jean-Pierre Lledo. Mon travail c’est de faire du cinéma et non pas d’écrire des livres. Mais en même temps, dans ma vie de citoyen, partout où j’ai vécu, j’ai toujours été quelqu’un d’engagé dans les causes  démocratiques, les droits de l’homme… Depuis le coup d’Etat militaire de Boumediene en 1965, j’ai à peu près fait partie de tous les mouvements de résistance ou de contestation, clandestins, tolérés ou légaux, les derniers ayant été le Comité contre la torture en 1988, puis le RAIS (Rassemblement des Intellectuels, Artistes, et Scientifiques), qui s’est battu notamment sur un point: une opinion ne peut être considérée comme un délit…

Et donc dès le tout début du ″printemps démocratique″, j’ai eu la conviction qu’il ne s’agissait que d’une préfiguration de l’arrivée imminente des islamistes. Devant le délire qui s’est emparé des élites du monde occidental, grands journalistes chevronnés, ou spécialistes du monde arabo-musulman, je me suis dit que mon expérience algérienne pouvait servir à décoder ce qui se passe dans le monde arabe, et l’éditeur a accepté mon idée qu’il a souhaité voir se concrétiser en deux ouvrages distincts.

 

MA. Une manipulation d’envergure alors ?

JPLl. En effet, quand je vois ce qui se passe depuis décembre 2010, j’ai l’impression d’un remake des ″ événements d’octobre 1988″ en Algérie : quand la contestation en Tunisie puis en Egypte a commencé à se mettre en branle, en décembre 2010-Janvier 2011, je n’ai pas pu m’empêcher de repenser à la révolte généralisée de la jeunesse algérienne, libre d’agir durant cinq jours, qui cassait tout, même les locaux du FLN … sans répression !! Inimaginable dans un État policier. Et puis, bien sûr, la répression est arrivée, accompagnée d’une torture tout aussi généralisée. De là est né le Comité contre la torture. On a démontré notre solidarité, publié le Cahier Noir d’Octobre, mais on n’a pas compris pourquoi plusieurs mois après, le Président disait avoir compris le message, parlant de la « Hogra » - l’humiliation -  et annonçait qu’une nouvelle Constitution allait être proposée, ce que la jeunesse n’avait d’ailleurs pas demandé ! On mit donc fin au régime du parti unique, et le premier parti à demander son agrément et à l’obtenir (en contradiction avec une loi qui proclamait qu’on ne pourrait créer de parti sur une base religieuse et linguistique), fut précisément le FIS, le parti islamiste.

Je me suis demandé comment le mouvement avait pu partir de partout en même temps. J’avais l’expérience de mouvements clandestins (dont le parti communiste) et j’étais donc bien placé pour savoir qu’il n’était pas possible à ce niveau de susciter une telle révolte sans la préparer soigneusement.

Et puis, on a su que le matin du 5 octobre, des gens de 40 ans, munis de matraques,  cassaient tout. Et les jeunes ont suivi. Cette prise de pouvoir dans la rue était une parodie. Oui, la révolte de 88, était forcément manipulée. On apprendra plus tard de la bouche ce celui qui fut le chef de la Sécurité militaire à cette époque, le Général Bitchine, qu’il y avait eu un ″Plan Potemkine″. Cette révolte, matée, a permis la percée et la montée fulgurante de l’islamisme.

Jean-Pierre Lledo, M.A.
Jean-Pierre Lledo, M.A.

MA. Démocratie et Islam, est-ce de l’utopie ?

JpLl. Comment croire que cette révolution soit démocratique ? Il suffit d’un peu de bon sens.  Pour qu’une telle révolution ait lieu, il faudrait que dans le monde arabo-musulman, les forces démocratiques soient sinon majoritaires, du moins suffisamment nombreuses pour être un moteur. Ce qui est loin d’être le cas !!! 

En Algérie, la guerre a détruit tout ce qui existait de société politique depuis les années 20 (réunions, journaux, élections) et quand arrive le FLN, le mot d’ordre est le suivant : ″Vous fermez les portes et rentrez dans le FLN à titre personnel″ ! Les seuls à refuser  cette pression ont été les communistes. Ils ont fait un deal avec le FLN grâce à un détournement de camions d’armes. Beaucoup ont été assassinés au sein des maquis...  On a recouru à la guerre de libération mais on pouvait faire autrement. De 1920 à 1954 la courbe a grandi en nombre de militants, on a assisté à un éveil politique plus important.  Si on avait eu dix ans de plus devant nous, il aurait pu y avoir une décolonisation pacifique, avec le droit de rester sur place pour les populations alors contraintes à l’exil. On aurait pu éviter les déchirements et la tragédie même après 1962 (200 000 morts !).

 

MA. Donc l’islamisme se profilait déjà ?

JpLl. Bien sûr ! La seule force pouvant jouer ce rôle de moteur, c’est celle des islamistes, comme en Iran, ou en Turquie. Et les islamistes ne prônent guère la démocratie, non ?  La démocratie, c’est pouvoir dire ce que l’on pense, quels que soient les sujets, sans craindre pour sa vie et celle de ses proches. C’est très simple, et très pragmatique, mais ça vous donne aussi une idée du nombre de siècles qu’il faudra pour atteindre cet état. On ne peut assimiler la démocratie à des élections libres, car des dictateurs sont élus ! (pensez aux nazis…)

 Quand je parle de remake… Qu’un mouvement de révolte soit spontané, je dis impossible : ça ne se passe pas comme ça. Quelque chose se préparait par dessous. On parle de pays islamisés, organisés comme l’Égypte ou la Tunisie ! Lors des manifestations de décembre 2010 et de janvier 2011, on a dit «  les islamistes ne sont plus là, c’est la preuve qu’il s’agit d’un mouvement démocratique ». Et personne ne s’est demandé pourquoi cette anomalie, personne n’a suspecté que quelque chose pouvait se tramer.

MA. Le livre dénonce différents agents, à l’origine de cette manipulation…

JpLl. Quand, en 88, en Algérie j’ai vu ces jeunes déferler de façon soi-disant spontanée, je n’y croyais pas. Pourquoi  l’armée laissait faire ? Il y avait un accord quelque part. Je suis arrivé à la conclusion que si ça s’était passé ainsi cela ne pouvait qu’être organisé ! Mais par qui ? Qui sont les forces réelles ? Les démocrates ? Elles sont infimes. Alors l’islamisme. Avec différentes sensibilités à l’intérieur. La plus importante, celle du monde arabe.

La deuxième force, celle des militaires : ils ont une force politique de premier plan. Ce sont eux qui dirigent, le reste c’est de la façade.  Ils n’ont pas que les armes, ce sont des politiciens qui forment les étudiants dans tous les domaines (services secrets). Ils ont des gens à eux de haute volée, prêts à diriger un pays.  Ce sont les éminences grises.

La troisième force, là je parle des Etats-Unis. Avec eux, il s’agit de rapports de forces internationaux. L’ordre mondial est en évolution (ancien clivage Est/Ouest) depuis l’effondrement des pays de l’Est. Mouvement pas encore stabilisé car de nouvelles forces apparaissent comme la Chine qui a une stratégie pacifique et qui évolue sans conflit armé avec des prix hors concurrence. C’est la principale émigration en Algérie. Les Chinois sont là, s’agrandissent, ils ont de beaux articles à prix extra, une portée qui va vers la force des  USA. La dette internationale des USA est très forte, les positionnant donc en faiblesse par rapport à la Chine.

On peut imaginer qu’il y a eu une sorte de deal entre les USA, comme leader, les militaires, et les islamistes, tunisiens, et égyptiens, et bien sûr aussi, par derrière, l’Arabie saoudite, et El Djazeera, dont le rôle dans toute cette révolution n’a pas été mince… C’est aussi ce que j’essaie de démontrer, puisque depuis l’aventure militaire des islamistes algériens qui s’est soldée par une défaite (militaire mais pas idéologique, loin de là…), les islamistes du monde entier en ont tiré la leçon : pourquoi ne pas se servir du processus électif, plutôt que de passer en force ? Ils ont la majorité pour eux !  La loi de la majorité résume pour eux la démocratie. Mais aussi, et c’est aberrant, c’est l’opinion de beaucoup d’occidentaux !

 Dans le monde arabe, la principale source de richesse, c’est le pétrole. Donc les USA ne veulent pas être délégitimés par le monde arabe.  Les Américains ne pouvaient plus soutenir le régime de Ben Ali ou de Moubarak, (régimes épuisés, conduisant  à la pauvreté) et en même temps tenir compte de la force islamiste. Si ça continuait, on allait vers des pouvoirs très instables et/ou une dictature militaire plus omniprésente. Donc pas possible de soutenir des mouvements impopulaires : «  Si on veut rester protecteur de ce monde, y maintenir notre position au mieux de nos intérêts,  nous devons être pragmatiques et maintenir des rapports de force à défaut de rapports égalitaires. » Donc les Américains soutiennent les islamistes, et cela, même depuis les Twin Towers.

La quatrième force, c’est l’Arabie Saoudite. C’est elle qui finance les mouvements islamistes et les guerres. Ils sont sunnites. Au niveau médiatique, ils ont Al Djazeera. C’est la principale chaîne de télévision vue par tout le monde. C’est très malin !

MA. Mais, et la non intervention de l’armée, quand même ?! JpLl.Pourquoi l’armée a laissé faire ? Parce que les USA l’ont demandé. Pour l’argent. Sinon il y aurait eu effondrement. Il a suffi ici comme là que les militaires refusent d’intervenir pour sauver le régime. Là où l’armée n’a pas accepté, ce fut la guerre comme en Lybie, avec intervention de l’Otan, et ça continue d’être la guerre aujourd’hui comme en Syrie, puisque l’OTAN n’a pas été légitimée par le monde arabo-musulman pour rééditer l’exploit libyen.

Et là où les militaires ont accepté, il n’y a pas eu de guerre.

Les démocrates ont pu défiler car l’armée avait pour consigne de laisser faire.

Et les islamistes sont venus par la suite car s’ils étaient apparus trop tôt, cela aurait pu mettre la puce à l’oreille des commentateurs.

Le seul facteur unifiant, c’est l’armée (les minorités ethniques ou religieuses sont massacrées). L’armée est l’élément le plus national. Elle a permis aux nations de se construire après l’indépendance.

Dans la réalité sociologique, ce sont les luttes tribales, les clans, les familles qui priment.

MA. Mais la démocratie finira bien par devenir réalité ?!

jPlL. Je dis dans mon livre que dans l’état anté-démocratique actuel du monde arabo-musulman, islam et islamisme s’identifient totalement, et continueront de s’identifier, tant que les conditions d’une révolution démocratique ne seront pas réunies. Pour qu’il y ait un jour des islamo-démocrates, comme il y a eu des chrétiens-démocrates, il faudra justement qu’il y ait… d’abord, la démocratie. A ce moment, là, et seulement à ce moment-là, on pourra parler de l’islamisme comme d’une dérive autoritaire. On est bien loin de cela…

Pour qu’il y ait un processus réellement démocratique, un jour, dans ce monde, il faudrait qu’existe une pensée démocratique, et pour cela,  il faudrait y travailler dès maintenant !

©Maïa Alonso

Algérie, histoire à ne pas dire, long métrage 2h36

"La parole qui se dit là, libre, mouvementée, chahutée et ballottée par l’Histoire ou par des retrouvailles souvent douloureuses avivant les plaies familiales, cette parole-là est essentielle.
Nous n’avons pas souvent l’occasion ou la chance de l’entendre venant d’Algérie.
C’est ce qui fait le prix et l’importance du film de Jean-Pierre Lledo, à voir coûte que coûte."
(Serge Toubiana, Directeur de la Cinémathèque française)

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Aux éditions Atlantis -

Préface de Boualem Sansal

En 1962, l’Algérie devient indépendante. Quasiment tous les non-Musulmans quittent l’Algérie : l’un des plus importants déplacements de population dans l’histoire de l’Humanité.

Pourquoi l’Algérie n’a-t-elle pas réussi à être aussi fraternelle?
La cohabitation avec les Musulmans y avait-elle été impossible? Cette triste fin n’avait-elle été que l’effet d’une panique, des violences extrêmes de fin de guerre?
Quatre Algériens en quête de vérité reviennent sur les mythes fondateurs de l’Algérie nouvelle et des crimes cachés de cette «guerre de libération» qui fut aussi une guerre d’épuration ethnique contre la population non-musulmane:
-Les massacres à El Halia (Philippeville), le 20 août 1955
- Les attentats à la bombe et la Bataille d’Alger (1956–1957)
- L’assassinat du chanteur juif Raymond Leyris à Constantine, le 22 juin 1961
- Les massacres à Oran, le 5 juillet 1962.

Préface Boualem Sensal, extrait

Notre ami Jean-Pierre Lledo est allé voir les dictateurs, et il leur a dit qu’il voulait faire un film sur des histoires à ne pas dire et savez-vous, ils étaient d’accord, ils l’ont encouragé, ils l’ont financé, ils l’ont félicité. Il a donc dit ces histoires à ne pas dire avec l’assentiment et l’argent de ceux qui ne veulent que ce qui doit être tu soit dit. Tout était parfait dans le plus absurde des mondes. Et voilà donc Jean-Pierre qui réalise son film, un bijou d’émotion.

Mais nos dictateurs, comme toujours, avaient un plan : ils l’attendaient au tournant. Dans l’Algérie de ces messieurs et de madame Toumi, ministre de l’inculture et de la folie furieuse, autoriser le tournage d’un film n’est pas autoriser sa projection. Montrer des films qui disent des histoires à ne pas dire est strictement interdit. On ne le dit pas mais on laisse entendre que derrière l’interdiction, il y a des sanctions pouvant aller jusqu’à la mise à mort. Cela dépend du coupable : s’il rechigne, on le tue. S’il fait repentance, aussi. Empêcher un homme libre de parler c’est le tuer.

Et Jean-Pierre n’est pas seulement un homme libre, c’est un homme qui rechigne, il refuse de se laisser intimider. […].

Et quelle est cette vérité que l’on cache si bien dans l’Algérie de madame Toumi ? Elle est simple est lumineuse : la vérité n’est pas le mensonge, elle n’est pas le discours, elle n’est pas l’histoire officielle, elle n’est pas un écran, elle est la vérité, les faits dans leur nudité, les hommes la voient, pas les apparatchiks, pas les gardiens du temple, pas les militants de la dernière heure, pas les abrutis, pas les lâches, pas les petits quémandeurs, pas les imbéciles heureux : dans ce pays, durant la colonisation, les peuples musulmans, juifs, chrétiens n’ont jamais été en guerre l’un contre l’autre. […].

Jean-Pierre a dit sa vérité, et je la partage, que les autres en fassent autant. Nous aimerions les entendre, entendre leurs histoires à ne pas dire, les autres, les histoires à dire, nous les connaissons déjà.

Boualem Sansal, Alger 4 mars 2011

Prix et distinctions

  • FIPA-2005, Mention spéciale à la 5e Biennale des films du monde arabe, Paris pour Algéries, mes fantômes.
  • 1er Prix du film documentaire pour Un rêve algérien, Montréal en 2004.
  • Bateau perdu, mention spéciale du jury au Festival d’Auxerre en 1995.
  • Les Ancêtres, Grand Prix du Festival international du film scientifique d’Alger en 1993.
  • La mer est bleue, le ciel aussi, Clé d’argent au Festival de Lorquin en 1991. Primé au Festival de vidéo-psy de Paris de la même année.
  • Jonction a obtenu le Tanit d'or au Festival de Carthage en 1988.
  • Prix d’interprétation masculine, pour L’empire des rêves, Festival de Damas en 1985.

Son oeuvre (France 1994-2007)

4 Longs-métrages - documentaire.

2007 - “ ALGERIE, HISTOIRES A NE PAS DIRE ” -  2h40. 35 mm. Couleur. Version sous-titrée en anglais. Coproduit par Naouel Films, Entv, Mille et une Productions. Festivals : Toronto 07, Amiens 07, En Algérie, le film est censuré. Sortie France : 27 Fév 08 par Colifilms Diffusion, Vendeur international : Claude NOUCHI <claude.colifilms@club-internet.fr>,

Au moment de l’Indépendance en 1962, les communautés minoritaires d’origines juive et européenne quittent l’Algérie. Quatre personnages d’origine musulmane en quête d’une vérité sur leur propre vie, reviennent sur les dernières années de la guerre, de 1955 à 1962, qui sont aussi les dernières de la colonisation française. Entre haines et fraternités, ils nous font voyager dans une mémoire occultée, celle des rapports avec leurs voisins juifs et chrétiens. Avec eux, nous revisitons les mythes fondateurs de l’Algérie nouvelle… Mais arriveront-ils au bout de leurs propres légendes ?

 

2004 - “ ALGERIES, MES FANTÔMES ”. 1h46. Béta num. Couleur. VF et ss-titres anglais. Coproduit par Naouel Films et Iskra avec TV 5. Distribué en Algérie en 1er semestre 2005. Festivals : FIPA-2005, Mention Spéciale à la 5ème Biennale des films du Monde arabe, à Paris. Fest Méditerranée Bruxelles. La Rochelle. Ecrans docs, Arcueil. Un cinéaste algérien en exil, d’origine judéo-espagnole, entame un long voyage filmé pour affronter les fantômes qui le guettent depuis son arrivée en France. Voyage identitaire et retour sur une histoire algéro-française taboue de ces 50 dernières années, au bout desquels se recompose peu à peu, de villes en villes, avec des personnages rencontrés par hasard, le puzzle d’une Algérie aux multiples visages qui n’a jamais été, mais qui sera peut-être…

 

2003 - “ UN REVE ALGERIEN ”. 1h50. 35 mm. Couleur. Version ss-titrée en anglais. Coproduit par Naouel Films (Algérie), Maha Prod (France), et Tarentula (Belgique) France 2 cinéma. Soutenu par l’Avance sur recettes du CNC français, le Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel de la Communauté française de Belgique et des télé distributeurs wallons, EURIMAGES, et le Commissariat de l’Année 2003 de l’Algérie en France. Distribué en Algérie par Naouel Films et en France par Vision Groupe. Sortie en salles : Automne 2003 en France (à Paris, 8 semaines au St André des Arts). Et 2004 en Algérie. Diffusé par France 2 en Août 2006. Festivals : 1er Prix du Film Doc, Montréal 2004. San Sébastien. Namur. Cambridge. Vancouver. New York. Rabat. Carthage. Bruxelles. Pessac. Strasbourg. Alès… L’auteur, exilé en France depuis 1993, demande à Henri Alleg, de retourner dans le pays pour la liberté duquel il fut prêt à sacrifier sa vie en 1957. Si pour le monde entier, H. Alleg c’est “La Question”, publié en 1958, première dénonciation de la torture par quelqu'un qui l'a subie, et pour les Algériens, le directeur du seul quotidien anti-colonial “Alger-Républicain”, pour l'auteur, il est surtout la preuve que face aux clivages ethniques de la colonisation française et du nationalisme algérien, une autre Algérie était possible où juifs, pieds-noirs et arabo-berbères auraient pu vivre ensemble. Si l'Algérie devint indépendante, sans pouvoir être fraternelle, il n'en demeure pas moins que des femmes et des hommes avaient conçu et vécu ce rêve de fraternité, qui aujourd'hui semble avoir disparu et même n’avoir jamais existé…

 

1998 - “LISETTE VINCENT, UNE FEMME ALGERIENNE” - 100 mn, couleur, Bétacam SP. Produit par Io Production. Lussas-1999. Sortie DVD 2007. Lisette Vincent, cette institutrice née en 1908 en Algérie, pionnière de l’introduction des méthodes d’Éducation Nouvelle Freinet, fille d’un gros colon, a épousé toutes les grandes causes de son siècle : guerre d’Espagne, lutte contre le régime de Vichy (seule femme d’Algérie à être condamnée à mort), engagement pour l’indépendance de l’Algérie, elle n’a toujours pas fait le deuil de l’Algérie et se considère en exil en France depuis son arrivée en 1972. Quand je rencontre pour la première fois celle qui a fait partie de l’Olympe de mon enfance, une chose me frappe d’emblée: cette vieille dame qui chaque matin se récite plusieurs poèmes en diverses langues après sa séance de yoga, est toujours en lutte. Contre qui désormais, sinon elle-même..? Singulier combat où vaincre supposait sa propre défaite. Mais peut-on filmer un héros, sans évoquer ce dont tôt ou tard il doit s’acquitter ?

 

3 Moyens-Métrage documentaire.

 

2001 - “JEAN PÉLÉGRI, ALIAS YAHIA EL HADJ”. 57’. Couleur. Béta numérique. Produit par Jakaranda.

La guerre d’Algérie et le départ pour toujours de sa communauté l' ont déchiré, mais face aux divisions, aux inégalités et aux haines, il s’obstine à témoigner de l’histoire souterraine des connivences intercommunautaires...

Entre son pays natal qu’il lui fallut quitter pour devenir écrivain, et Paris sa ville d’adoption, où depuis 56 il n’écrit que sur l’Algérie, génèse d’un écrivain pied-noir né dans une ferme de la Mitidja qui s’appelait Haouch “El Kateb” (Ferme de “l’Écrivain”)...

 

1996 - “L’OASIS DE LA BELLE DE MAI” - 59 mn, couleur, Bétacam. Produit par Io Production et Image Plus. Diffusé sur Planète en 1999. Contraint de quitter l’Algérie suite à l’assassinat systématique des intellectuels, Denis Martinez, peintre algérien d’origine espagnole, va retrouver à la Friche de la Belle de Mai, après plus d’une année d’exil, quelques uns de ses anciens élèves de l’École des Beaux-arts d’Alger, éparpillés depuis peu en France... Avec les récits de souffrance de l’artiste renvoyé aux questions les plus essentielles liées à sa propre identité, s’entrecroisent les engagements fougueux, mais graves des jeunes peintres, pansement sur les plaies ouvertes du “Maitre”. Marseille, guérirait-elle les tourments de l’exilé? C’est aussi pour le savoir, que dans l’underground d’une ancienne usine de tabac, imprégnée des sueurs d’exilés du monde entier, a été conçu notre “Oasis ”.

 

 1994 - “CHRONIQUES ALGÉRIENNES”

Moyen Métrage. 52 mn, couleur, vidéo. Produit par Naouel films.

Diffusé la 1ere fois en Déc.94, sur la chaîne câblée Planète.

Festival International du Documentaire “Vues sur les Docs” à Marseille, en Juin 95.

Chronique de femmes et d’hommes, qui soit par leur courage, soit par leur dignité, soit plus simplement par instinct de vie,

refusent de se soumettre à la logique de mort de l’intégrisme. Tournée en H8, en caméra cachée pour les extérieurs, du 15

Juin au 8 juillet 94, dans différentes régions d’Algérie. 

Algérie 1977-1993 Cinéma -

2 Longs-métrages fiction:

1989 - “LUMIERES”

Produit par le CAAIC (Entreprise Nationale du Cinéma). 11O mn, couleur, 35 mm.

Tourné l’été 88 - donc 2 mois avant les “événements d’Octobre 88” - et terminé l’été 89, ce film n’a toujours pas

eu de distribution, le CAAIC ne pouvant plus payer de copies, puis ayant disparu sans avoir eu de successeur à

ce jour (2004).

Longue quête d’un réalisateur spécialisé dans les films de commande, qui après une dépression redécouvre ses proches, son quartier la Casbah, lui-même.

Pris en main, quelques temps, par son voisin intégriste, c’est surtout la rencontre avec un vieux projectionniste, lui restituant une histoire censurée, qui l’aide à muer.

Scène finale, il tourne son premier film de fiction, autobiographique : la machine à produire du brouillard fonctionne mal,

l’équipe de tournage tousse......

1982 - “L’EMPIRE DES REVES”

Produit par le ONCIC (Entreprise Nationale du Cinéma). 120 mn, couleur, 35 mm.

En conséquence d’un conflit avec le DG de l’entreprise, le film n’est présenté que 3 années plus tard, dans le seul Festival de Damas: il y reçoit le Prix d’interprétation masculine (1985).

En 89, il est refusé à Mr Jean Lacouture, qui présente à la télé, le cinéma du Tiers-Monde.

Un réalisateur obstiné qui veut filmer Alger “comme elle est”, se heurte aux fantasmes “hollywoodiens” de ses personnages, des non-professionnels espérant tous pouvoir devenir “quelqu’un d’autre”, au moins le temps d’un film…

6 documentaires:

1986 - “JONCTION” & “RENAISSANCE”

30mn et 26 mn, couleur, 35 mm. Production CAAIC.

“Jonction” a obtenu le Tanit d’Or au Festival de Carthage, en 1988.Diffusé à la télé, en 92.

Vie et oeuvre d’un grand peintre algérien, Denis Martinez.

1984 - “LES CASBAH NE S’ASSIEGENT PAS” & “MÉRIDIEN O”

30 mn et 26 mn, couleur, 35 mm. Production CAAIC.

Le premier a été diffusé à la télé, à sa mort, en 1991.

Vie et oeuvre d’ un grand peintre algérien, Mohammed Khadda.

1978 - “LE FLAMBEAU BRULERA TOUJOURS”

3O mn, couleur, 16 mm. Production ONCIC.

Censuré à la télé. Diffusé dans les salles de la Cinémathèque.

Sur le théâtre amateur, qui fut un phénomène marquant de la vie culturelle et politique des années 70, par son degré de contestation des pratiques de pouvoir et de mises en scène.

1977 - “COMMENT CA VA?”

60 mn, couleur, 35 mm. Production ONCIC.

Censuré et négatif dérobé.

Road movie dans l'Algérie citadine et rurale, au travers d'une enquête sur les problèmes sanitaires.

 

Pour la télévision

2 Moyens-métrages, 4 Courts- métrages documentaires:

(vidéo, couleur, Bétacam)

1993 - “Femmes en Crue”

26 mn, produit par l’ANAF, diffusé par la télé,le 8 Mars 93.

Présenté à la Cinémathèque de Chaillot, par ADDOC et le CISIA, en Oct.93.Et aux “Mardis de la SCAM” (25/1/94).

Portrait d’un hameau d’une région montagneuse, à travers la problématique de l’analphabétisme. Face aux discours utilitaires des hommes, ceux existentiels des femmes.

1993 - “Bateau Perdu”

26 mn, produit par l’ANAF, non diffusé par la télé.

Mention Spéciale du Jury au Festival d’Auxerre, 1995.

Des enfants abandonnés devenus des adultes abandonnés: une image métaphorique de l’Algérie contemporaine, au travers des rapports entre hommes et femmes.

1992 - “Les Ancetres” & “Son Père craché” & “Entre la Vie et la Mort”

52 mn et 2 X 26 mn, produit par l’ANAF.

“Les Ancêtres”, Grand Prix du festival international du Film Scientifique d’Alger, en 93.

La trilogie n’a jamais été diffusée par la télé.

Trilogiesur l’imaginaire, à travers la problématique de la naissance.

D’Alger vers le Sud, Timimoun, en passant par les montagnes de Kabylie, sur les traces de la permanence de l’imaginaire traditionnel, notamment dans le rapport aux femmes.....

1990 - “LA MER EST BLEUE, LE CIEL AUSSI”

6O mn, produit par l’ENTV (télé).

Clé d’argent au Festival de Lorquin en 91. Primé au Festival de vidéo-psy de Paris de la même année.

Censuré par la télé durant 2 ans, diffusé le 1er Juin 92.

A partir d’une expérience d’un groupe de pédopsychiatrie, une interrogation sur la communication, de l’autisme de l’individu à celui de la société......

SCÉNARIOS

Tous les films précédents ont été réalisés d’après des scénarios de l’auteur.

Auxquels s’ajoutent les suivants:

“LA MONTAGNE DE BAYA”

Long métrage fiction en collaboration avec l’auteur du film, Azzeddine Meddour.

Distribué en Algérie et en France à partir de Déc. 97.

Baya, fille d’une famille-sainte, résiste au nom de son honneur bafoué à sa communauté prête à le monnayer pour racheter les terres dont elle a été chassée vers 1871......

“NUMERO 49”

Moyen-métrage fiction, 16 mm, couleur, réalisé par Rachid Benhadj, produit et diffusé par la télé, en 1980.

Rêve-cauchemar d’une famille modeste venant d’obtenir les clés d’un appartement dans un HLM...

CRITIQUE

« Les Deux Ecrans » : collabore à la revue algérienne de cinéma et de télé, de sa création à sa dissolution (1978-1985).

Articles sur : Pain et Chocolat de Brusetti, l’Homme de Marbre de Wajda, De la vie des marionnettes de Bergman, Apocalypse Now de Coppola, Hitchcok, etc…

 

Moyen-métrages documentaires

Jean Pélégri, alias Yahia El Hadj, 2001, 57 minutes. Couleur.

L’oasis de la Belle de Mai, 1996, 59 minutes, couleur.

Chroniques algériennes, 1994, 52 minutes, couleur.

Les films précédents ont été réalisés d’après des scénarios de l’auteur.