Jean-Felix Vallat, président de la MAFA

(M.A.F.A Maison des Agriculteurs Français d'Algérie)

(en construction)

http://www.valeursactuelles.com/societe/jean-felix-vallat-vers-la-paix-des-memoires-29056

Société
Jeudi 28 Avril 2011

Jean-Félix Vallat : "Vers la Paix des Mémoires"

Jean-Félix Vallat Le président de l’Association des Rapatriés Mineurs enfants de disparus et Pupilles de la Nation (ARMR) et secrétaire général de la Maison des Agriculteurs Français d’Algérie (MAFA) présidée par Jean Pierre Seroin, nous explique les enjeux et les difficultés.

Pourquoi avoir intitulé ce colloque « Vers la Paix des Mémoires ? » La MAFA défend les intérêts moraux et matériels de leurs adhérents, notamment la spoliation des biens par la non application des accords d’Evian signés le 18 mars 1962 par la France, et l’ARMR s’occupe plus particulièrement des problèmes de réinstallation des pieds noirs en métropole ainsi que des problèmes sociaux des victimes civiles du terrorisme FLN. Nous somme las de constater la guerre mémorielle existant entre les ultras de tous bords concernés par la guerre d’Algérie. En organisant ce premier colloque, nous voulons entamer une démarche apaisante mais sans compromission. Cette démarche,  nous l’espérons, nous amènera peut être vers une Paix des Mémoires et permettra à nos enfants de cohabiter plus harmonieusement des deux côtés de la Méditerranée. Nous voulons sortir du ghetto dans lequel nous a trop longtemps enfermé une idéologie sectaire initiée notamment par des intellectuels dévoyés pour qui la France a systématiquement tort, et parler un langage d’avenir.

Que doit produire ce premier colloque ?
L’ouverture d’un dialogue sans concessions, une confrontation du vécu des acteurs de cette guerre, notamment les victimes civiles des deux bords, dont le drame a trop souvent été occulté, je pense notamment aux disparus européens. Comme nous l’a écrit notre ami le professeur Daniel Lefeuvre, intervenant au colloque, « ce n’est que par la confrontation que la connaissance historique avance ».  

Ce colloque n’est-il pas quand même prématuré ? Si à l’aube du cinquantenaire de la fin de la guerre d’Algérie il est prématuré de parler d’une recherche de paix des mémoires, c’est à désespérer de tout !

Mais peut-on tendre raisonnablement la main à des gens qui ne veulent pas la saisir ? « Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer » disait Guillaume d’Orange.

Quel serait le préalable pour la reprise du dialogue avec l’Algérie ?
J’établis une distinction majeure entre le peuple algérien et ses dirigeants. Ces derniers n’ont cessé de  justifier leur impéritie et la faillite de leur système par les conséquences de 130 ans de  présence française en Algérie. Et nos gouvernants n’ont jamais eu le courage de leur répondre. Je ne suis pas sûr que le peuple algérien pense la même chose. Pas sûr non plus qu’il ne regrette pas une présence française dont les modalités auraient pu être modifiées pacifiquement, sans la spirale terroriste enclenchée par le FLN dès 1954.

Que voulez-vous dire ? Si nous avions vraiment été les monstres que décrivent les dirigeants algériens, ce pays qui comptait environ 1 million d’habitants en 1830 n’en aurait pas compté plus de 10 millions en 1962 ! Il est également difficile de comprendre pourquoi tant d’Algériens veulent s’établir en France aujourd’hui. Il me semble donc que le préalable à une reprise de dialogue passe par  le rétablissement de la vérité historique, avec ses ombres et ses lumières, la reconnaissance des souffrances des populations civiles touchées par cette guerre et la  juste indemnisation de nos biens spoliés.

Quelle est votre légitimité à tendre ainsi la main ?
Nous n’avons pas la prétention de représenter la totalité du monde rapatrié mais beaucoup de pieds noirs sont d’accord avec nous. Notre légitimité se situe à deux niveaux : nous représentons nos adhérents mais nous pouvons aussi nous exprimer en tant que victimes. Notre légitimité vient de nos mandats associatifs accordés chaque année par les adhérents de nos associations. Je me dois également de dire qu’à titre personnel, mon père, maire d’un petit village d’Oranie et ma mère, institutrice du même village, ont été sauvagement assassinés devant mes deux frères et moi par un commando FLN parce qu’ils représentaient la République. Mon amie Colette Ducos Ader, également intervenante au colloque, alors mère de deux jeunes enfants, a eu son mari enlevé porté disparu en juin 1962 et jamais retrouvé.

Y a-t- il vraiment des vérités qui ne sont pas dites des deux côtés ? Je le crois ! L’occultation du drame des enlevés disparus européens, principalement après le soi disant cessez le feu du 19 mars 1962, en est un exemple. Et bien sûr, il y a eu des disparus de l’autre côté. L’instauration récente par le gouvernement de la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, la présence des victimes de la rue d’Isly et des victimes civiles reconnues « Morts pour la France » sur les colonnes du Quai Branly, la prochaine inscription, comme cela nous a été promis, des enlevés portés disparus sur ces mêmes colonnes, le doublement du budget consacré à l’entretien de nos cimetières en Algérie, bien que largement insuffisant, sont des approches qui vont dans le bon sens.

Les responsables politiques sont-ils suffisamment mobilisés ? La plupart ne l’ont  jamais été suffisamment, aujourd’hui comme hier. Il était de la responsabilité de la France d’exiger de l’Algérie, devenu Etat souverain le jour de son indépendance le 2 juillet 1962, qu’elle reconnaisse les accords d’Evian signés par son gouvernement provisoire le 18 mars de la même année et n’ayant de ce fait aucune validité juridique. Si les accords d’Evian avaient été transformés en un traité d’Etat à Etat, cela aurait permis aux Français d’Algérie, d’origine européenne ou musulmane, de faire valoir les droits que leur octroyaient ces accords. Nous subissons aujourd’hui encore cette indignité du gouvernement de l’époque et n’aurons de cesse que de faire reconnaître cette responsabilité.  Propos recueillis par Frédéric Pons

Édito du bulletin MAFA 162 : L’ état de toutes les urgences

La France vit actuellement dans le régime de l’état d’urgence institué par la loi du 3 avril 1955.

Ce retour à une législation vieille de 61 ans interpelle douloureusement la mémoire des rapatriés. En effet la loi de 1955 fut une réponse au terrorisme sévissant dans l’Algérie encore française où « la terreur s’est implantée, la peur a fermé les bouches et figé les visages » (Jacques SOUSTELLE). Cette peur étreint actuellement les français de l’hexagone face à des adversaires qui ressemblent à ceux de 1955 en ce qui concerne les pratiques de massacre de masses mais qui diffère en ce qui a trait à l’idéologie : le nationalisme algérien panarabe nassérien

teinté de djihadisme avant, le califat universel aujourd’hui, avec pour les deux époques, la place de l’islam dans la République. Ce rapprochement dans le temps devrait permettre une prise de conscience des français sur ce qu’ont subi leurs compatriotes d’Algérie alors que l’accueil des rapatriés par la métropole fut souvent expéditif et sans fraternité.

Malheureusement les pouvoirs publics ne tirent toujours pas les conclusions nécessaires du malaise de la population rapatriée devant les discriminations qui l’affectent.

En premier lieu, le chef de l’Etat a participé pour la première fois de l’Histoire à la commémoration du 19 mars en utilisant le prétexte de la consécration législative de cette date mortifère pour les rapatriés.

Le discours de François HOLLANDE devant les colonnes du Quai Branly (lire page 3), s’il reconnait les atrocités commises sur les populations civiles postérieurement au 19 mars, passe dramatiquement sous silence la non-application des accords d’Evian par l’Algérie au seul détriment des français rapatriés. Quant au message de

M. BOUTEFLIKA à cette occasion (lire page 6), modèle de discours stalinien, manipulateur et falsificateur de la vérité historique ainsi que de la situation actuelle de l’Algérie, on croit rêver ! Lire également les réactions de M. SARKOZY et de Mme Marine LE PEN pages 8-9. L’analyse de M. Boualem SANSAL, page 10, est également interessante.

En second lieu le gouvernement français reste toujours inerte face aux légitimes revendications des rapatriés :

• pas de représentation au sein du conseil d’administration de l’ONAC, leur nouvelle autorité de gestion,

alors que les autres ressortissants de l’office y siègent,

• la commission promise par M. François HOLLANDE en matière d’indemnisation n’est toujours pas mise en place,

• la réouverture par l’ONAC de quelques dossiers de réinstallés surendettés ne procède d’aucune définition

d’une doctrine de l’administration

• pas de création d’une commission mixte franco-algérienne sur les civils européens disparus en Algérie,

alors qu’une telle instance existe concernant les militaires français disparus et les civils algériens disparus.

Bref, la situation actuelle des rapatriés, comme celle existait qui lors de la guerre d’Algérie relève de l’état d’urgence.

Les rapatriés qui ont la mémoire longue ne demeureront pas inertes lors des prochaines échéances électorales  et soyez persuadés que la MAFA sera à la pointe de tous ces combats. (Avril 2016)

Télécharger
Bulletin MAFA avril 2016
MAFA_162_avril2016_web.pdf
Document Adobe Acrobat 2.0 MB